Cour d'honneur

16 mars 2022 / Envoi n°11 / Tirage 13 x 18
Pellicule n°68 / 14 juin 2015
Les samedis après midis d’aujourd’hui, on y voit un défilé pathétique. Des influenceurs en devenir, du moins l’espèrent-ils, se font tirer le portrait entre les cylindres des Deux Plateaux par des photographes qui ont besoin de bouffer.
Ils posteront la photo, qui sera likée parce que les algorithmes apprécient le contraste et savent reconnaître “les colonnes de Buren”. Moi je préfère y observer les gamins qui jouent, ils ne semblent pas alors souffrir l'influence du monde, comme ces deux mômes qui semblent si sages entre lecture et contemplation.


En 1985 quand la cour d’honneur servait de parking aux employés du conseil constitutionnel, quelques comités avec tout ce qu’ils comptaient de sommités, avaient émis un avis négatif, l’œuvre envisagée serait trop moderne, trop intello. Sales gauchistes. Et aujourd’hui des influenceurs en marinière, ni modernes ni intello. Et l’œuvre qui est toujours là, dont on se dit que ce sera l’une des scènes parfaites où se joueront des concerts hommages le jour où Jack Lang ne sera plus.

Je n’y vais que rarement pour les colonnes, je fuis la cour d’honneur, j’y accélère le pas, trop pressé de voir si les musiciens ont pris possession de la place Colette, trop content de pouvoir flâner dans le jardin que je traverse méthodiquement en quelques allers retours pour ne rien en rater. Ce jour-là il y avait les musiciens sur la place Colette, il y avait une danseuse sous le péristyle de Montpensier, sans qu’on sache vraiment si l’on est dans ou sous un péristyle, enfin, moi je n’en sais rien. Il y avait la vie moderne et bruyante, joyeuse, loin des bisbilles des années 80. J’aime l’ambiance de ce jardin depuis toujours, depuis mon toujours, une vingtaine d’années de vie parisienne, et tellement de samedis après midis entre les passages du 2eme et la place Colette, dans un parcours millimétré que je répète à l’envie sans que l’envie ne s’estompe jamais vraiment, sûrement ma manière de ne pas être sous influence tout en restant bien dans mon époque.

Une semaine après ces photos, c’était la fête de la musique, Ibrahim Maalouf jouait dans le jardin du Palais Royal plein à ras bords, c’était une belle soirée, une soirée où le collectif fabriquait des souvenirs, c’était un moment précieux, à l’image de ce mois de juin 2015 et des souvenirs que je m’y suis créé.